Bonjour Virginie, merci d’avoir accepté de jouer le jeu de l’interview. Pour commencer, je vais te demander de bien vouloir te présenter s’il te plaît :
Bonjour, je m’appelle Virginie FORET, j’ai 34 ans, je suis mariée et mère de 2 enfants. Je suis agricultrice et installée avec mon mari en élevage de bovins laitiers, et notre exploitation est certifiée en agriculture biologique.
Tu es agricultrice, quelle est ta vision du lien entre le monde de la chasse et l’agriculture ?
En tant qu’agriculteurs on a une vision différente de beaucoup de chasseurs je pense. On passe énormément de temps dehors, donc on a le temps d’identifier les animaux qui présentent des problèmes, qu’ils soient liés à la génétique ou à des maladies. En tant que chasseurs déjà on surveille la nature, on repère les tirs sanitaires à faire, mais nous en plus on a l’œil d’éleveurs, on remarque mieux les animaux à prélever pour conserver une bonne génétique. Par exemple hier Gilles [mon mari] a travaillé dans un champs avec 7 chevreuils qui l’ont regardé toute la journée. Il a largement pu identifier qu’une chevrette était anormalement petite pour la saison, et nous allons privilégier le prélèvement de cette femelle, plutôt que d’essayer de prélever un animal parfaitement normal. Cela ne peut qu’aider la sélection pour une belle population de chevreuils. Le temps passé dans les champs et nos réflexes de « sentinelles » font aussi que l’on repère beaucoup plus vite les espèces dont la présence est un peu anomale. Par exemple, par chez nous des promeneurs ont récemment remarqué la présence d’ibis et de pique-bœufs alors qu’en réalité cela fait des mois qu’ils sont là.
En tant qu’agriculteurs, vous subissez parfois directement les dégâts de gibiers sur vos terres, votre outil de travail, quelle est ton ressenti par rapport à cela ?
Nous connaissons par cœur les dégâts de sanglier dans les pâtures. Cela représente environ 3 semaines de rebouchage par an pour remettre nos pâtures en état. C’est un investissement en terme de temps, de matériel, etc On a fini par clôturer nos champs de sorte que les sangliers ne puissent plus venir. Nous avons remarqué qu’avant nous avions certains problèmes sur nos bêtes, mais depuis qu’on a clôturé de la sorte ces problèmes ont disparu. C’est le seul paramètre dans notre façon de travailler qui a changé donc on est sûrs que le troupeau se porte mieux en étant moins au contact du gibier. On ressent réellement l’impact de la faune sauvage sur la santé de notre troupeau, et on s’inquiète particulièrement de l’impact de la présence de certaines espèces protégées. Chez nous par exemple on a énormément d’ibis et de pique-bœufs, et on se demande vraiment quels problèmes sanitaires ils peuvent nous apporter avec leurs fientes sur les pâtures où nos bêtes se nourrissent. Aujourd’hui cela nous fait peur. Après on ne dit pas qu’on voudrait systématiquement que ces espèces soient chassées ou tuées, mais nous aimerions au moins pouvoir faire de l’effarouchement pour qu’ils s’en aillent.
Toi qui est éleveuse, vois-tu une contradiction dans le fait d’aimer à la fois la chasse, et les animaux ?
Absolument pas, je ne vois aucune contradiction à aimer les animaux et la chasse en même temps. Ce week-end j’étais à la chasse toute la journée avec les enfants, j’ai vu un chevreuil passer près de moi, mon mari qui était posté un peu plus loin l’a tiré, et en réfléchissant je me demande si j’ai pensé à un moment à le tirer, je me suis dit « tu ne penses même pas à lever ton fusil ?! ». Sur le coup je n’ai vraiment pensé qu’à le regarder. On peut être chasseur et avoir parfois simplement envie de voir les animaux sans vouloir les tirer. Par contre je ne ressens pas de honte à prélever un animal malade ou autre. Cela participe concrètement au bon fonctionnement de la nature et à protéger les autres animaux aussi de certaines maladies.
Quelle est ta vision globale de la chasse ?
Je n’ai pas une vision particulière de la chasse. Pour moi la chasse c’est traditionnel, ça existe depuis les milliers d’années pour se nourrir, cela fait partie de la vie. Il y a l’élevage certes mais aussi se nourrir par la chasse. Cela permet de connaître la faune et la flore, de les gérer. Sans oublier que cela limite aussi beaucoup de maladie. Sanitairement je pense que c’est indispensable.
Quel(s) mode(s) de chasse pratiques-tu ?
Je pratique principalement la chasse du grand gibier à tir. Nous préférons chasser en petit groupe car nous avons surtout la passion de pouvoir aller à la chasse ensemble, en famille et entre amis, en toute sécurité avec des personnes de confiance, et le plaisir du côté convivial.
Comment t’es venue cette envie de chasser ?
Je suis fille de chasseur, j’ai toujours connu cela. J’ai passé mon permis de chasse dès que j’ai pu, à 14 ans. Je n’ai par contre pas pris mes validations de suite. J’accompagnais mon père, puis j’ai rencontré mon mari, à la chasse également. Ensuite j’ai eu mes enfants. Quand ils étaient encore petits j’accompagnais de temps en temps mais avec Gilles on ne concevait pas de laisser les enfants pour aller à la chasse. Donc j’ai attendu qu’ils grandissent tout en continuant à m’impliquer et en préparant des petits gâteaux pour l’après-chasse, j’adorais entendre les récits de la journée. Quand j’ai pu retourner à la chasse, nous avons d’abord fait chacun notre tour et maintenant les enfants viennent avec nous.
Tu disais que tu as commencé à chasser en vénerie sous-terre, comment en es-tu venue ensuite à pratiquer la chasse à tir ?
Quand on s’est rencontré avec mon mari, moi je pratiquais la chasse sous-terre avec mon père, et Gilles pas du tout. Suite à quelques années difficiles mon papa a arrêté progressivement car il y a eu de moins en moins de personnes à pratiquer cette chasse et la chasse a évoluée aussi donc on s’est mis à la chasse au grand gibier.
Pour toi la chasse c’est donc une question de tradition naturelle et de famille? Penses-tu que tes enfants prendront la relève ?
Pour moi oui c’est une question de famille et de tradition. Je chasse en couple et en famille, avec mon mari, mes parents et mes enfants. Les enfants prendront la relève uniquement si ça leur plaît mais pourquoi pas. Pour l’instant ils sont mordus autant que les parents, les Dimanche de chasse il n’y a pas besoin de réveil contrairement à l’école ! Pour nous la chasse c’est le prolongement les valeurs inculquées à la maison tels que le respect de la nature, des animaux, le fonctionnement de la vie, etc
Aimerais-tu découvrir d’autres modes de chasse et lesquels?
J’aimerais découvrir toutes les chasses et pouvoir me faire mon avis, ma propre opinion. Alors évidemment une personne qui pratique et aime une chasse n’en dira que du positif, mais en découvrant ce mode de chasse de l’intérieur je pourrais malgré tout voir les bons et les mauvais côtés à mes yeux et choisir moi-même si j’aime ou si je n’aime pas. On peut aimer ou ne pas aimer mais au moins on devrait avoir un avis objectif et fondé.
Quelle est l’avenir de la chasse selon toi ? Penses-tu que tes enfants prendront la relève ?
Je suis incertaine, c’est vraiment le mot qui me vient, incertaine. Aujourd’hui quand tu vas à la chasse, tu te postes, tu fermes tout à clé, tu regardes partout, tu as peur d’avoir des problèmes, ou des dégradations sur ta voiture, tu subis toutes les interdictions, en bref tu n’es plus tranquille. Notre vision personnelle et que la chasse va se professionnalisée. Il va y avoir de moins en moins de chasseurs à cause des pressions des interdictions et des anti-chasses et on finira pas devoir payer des gens pour qu’ils aillent tirer les animaux à droite et à gauche et cela deviendra de l’abattage. Pour nous malheureusement si on continue comme cela, on tend vers cela et c’est tout de même bien dommage.
Tu es un membre plutôt actif, que t’apporte l’association Artémis 53 et que penses-tu qu’elle puisse apporter au monde cynégétique mayennais ? Quelle est ta vision de l’association ?
Le côté convivial de l’association et faire d’autres rencontres en dehors de nos équipes de chasse habituelles. Elle permet aussi de découvrir d’autres modes de chasse à travers des personnes que tu n’aurais pas eu l’occasion de rencontrer autrement. J’ajouterai que même si on a pas besoin de cela pour se faire des amis, on peut se découvrir des belles amitiés.
Que dirais-tu à une personne qui hésites à entrer dans l’association pour qu’elle ose sauter le pas ?
Je lui dirais qu’elle ne risque rien à essayer de nous rencontrer, de passer une année avec nous, de participer aux projets et aux activités, et de se faire surtout sa propre opinion.
Dernière question, si tu avais à résumer personnellement ton rapport à la chasse et à la nature en une phrase, que serait-elle ?
Mon truc à moi c’est de partir dans la nature, loin de la pollution, à l’air libre, m’évader, profiter de la faune et la flore, pour ne penser à rien.
Si tu avais une conclusion que tu veux partager ce serait ?
Et bien je dirais que chaque mode de chasse à sa place, ce qui n’est pas un soucis au sein d’Artémis 53. On peut passer des moments conviviaux autour de cette passion. Mais surtout on doit respecter tout le monde, même si on aime pas certaines choses on doit s’entendre et surtout œuvrer pour la sécurité de tous. Aujourd’hui c’est vraiment un sujet sur lequel on doit faire vraiment attention. La sécurité avant tout ! Dans notre équipe, nous avons une phrase que nous disons souvent : « On préfère regretter de pas avoir tiré plutôt qu’avoir le regret d’avoir tiré. » Merci du temps que tu m’as accordée et d’avoir acceptée de répondre aux questions d’Artémis 53.
Interview de Virginie FORÊT, réalisée par Marine DEKETELAERE